Les écarts (Hameaux) : Catifet – La vallée du gros chène – La Falaise – Nadon

L’évocation du passé de Louâtre-Violaine serait incomplète sans le parcours de l’agréable et aquatique vallon, qui s’étire en croissant comme pour tenter de l’encercler.

Catifet

Sous le Fond-Rimbert, déjà nommé au XIIIe siècle, se rencontrent les Vallées. C’est à Catifet, qu’en fin du dernier siècle se trouvait l’ultime tuilerie. Ce hameau a retenu le nom d’un particulier du XVIIIe siècle qui s’établit àl’endroit qu’on nommait « les Murs » ; en réalité la tuilerie succédait à tant d’autres et 1’on peut citer bon nombre de leurs artisans pour le XVIIe siècle.

La Vallée du Gros Chène

On arrive ensuite à La Vallée du Gros Chêne. Ce qu’il restait de cet arbre au-dessus du hameau était un tronc creux de 6m de circonférence, mais il n’était plus haut que de 2 m, le feu du ciel avait foudroyé ses branches une à une.

La Falaise

En dessous, le Moulin de la Falaise eut ses trois paires de meules actionnées par le ru de Nadon jusqu’en fin de siècle.

C’était un fief, dont deux dynasties (Hauston et Faroux Duplessy) se l’étaient partagé. Le moulin qui était banal, ses 2 ha de terres et 165 ares de prés avaient, à titre cens de plus réels possesseurs aux XVIIe et XVIIIe siècles : de
Jean Tranquart en 1644, qui vendit à l’important Soissonnais Robert Danré, passa ensuite à sa fille, épouse d’Antoine Racquet, puis en 1698 à leur fils Robert Racquet, écuyer- conseiller du roi, président-trésorier de France et seigneur de Villeblain, lequel le vendit en 1712 à maître Guillaume Champion.

Ce sont ces propriétaires forains qu’i louaient par « surcens » aux familles très fugitives de meuniers.

La Couture Paquette

Dérive de culture, l’écart déjà désigné au XIIIe siècle.
Ce fief se composait de 31 ha de terres, 6 ha de prés et bois à la fin du XVIIe siècle, époque à laquelle ses seigneurs, lorsqu’ils ne labouraient pas eux mêmes, cohabitaient avec leurs fermiers.

Gentilshommes campagnards ils appartenaient à la catégorie déjà évoquée, contraints d’accepter la vie rustique et ne vivotant qu’à renforts d’expédients. Le résumé de quelques documents curieux va permettre d’exposer leur détresse.

Nicolas de Fust, écuyer, sieur du Fresne, vivait sur la Couture, mais cette terre se trouvait hypothéquée depuis 1643 et grevée d’une rente de 300 1ivres envers le comte de Roucy. De Fust meurt en 1680 et sa fille Elisabeth se marie incontinent à Charles de Lignières, ancien garde du roi (armes : d‘argent à la croix ancrée de gueules).

Lignières était de bonne famille de Flavy-le-Martel, son père s’était fixé à Osly par suite de mariage avec une de Renty : La fortune de Charles était mince et elle était à partager avec un frère et une sœur. Lorsque le frère cadet Louis, ancien officier au régiment d’Orléans, eut atteint sa 25e année en 1688, on arrêta son compte et il se trouva qu’il était redevable envers l’aîné de 900 livres pour deux années de pension, plus les prix : d‘un cheval, de divers tissus, etc… A la sœur Elisabeth il devait six années de pension, des habits, linges et argent montant à 1.600 livres, ses chevaux et habillements militaires 500 livres et toute une série d’autres billets. Les débuts de Louis, sieur du Certay, n’étaient donc pas brillants, il vécut quelques années à Osly, y eut deux garçons de la fille d’un couvreur de chaume mais eut l’honnêteté de les légitimer. Il vint enfin se réfugier chez son frère à la Couture et c’est là qu’il mourut en 1694.

Elisabeth de Fust du Fresne décéda le mois suivant, son veuf sembla s’accommoder dans la solitude du vallon, à son égard et à deux reprises le curé usera à titre exceptionnel du latin pour la rédaction de baptêmes : de Pierre en 1696, de Charles en 1700 « filius illegitimo toro… », de Domine Caroli de Linières et de Marie Vilette.

Jamais l’ancien garde du roi ne put verser la rente due au comte de Roucy, cela dura vingt ans jusqu’en 1694 où sa sœur Elisabeth, soucieuse de lui éviter la saisie, racheta la dite rente. Elle quitta alors Mercin pour venir lui tenir compagnie.

Frère et sœur attendirent 1698 pour mettre leurs comptes en ordre, de vieilles dettes étaient rappelées, 500 livres par exemple qu’elle lui avait prêtées en plusieurs fois, notamment « pour le mettre en équipage dans le temps qu’il était au service du roi » (le service aux armées, cela se confirme, n’était guère lucratif !).

Charles de Lignières ne put mieux faire que d’abandonner à sa sœur tous ses droits sur la Couture et même les empouilles (récoltes sur pied).

Sitôt en possession, la célibataire transporta ces biens ainsi que ses propres à Charles de Hénaullt, écuyer, porte-étendard des gardes du corps du roi, elle le faisait, en considération des assistances, de la bienveillance et de l’amitié qu’il lui avait témoignées, mais elle lui demandait en échange de l’entretenir suivant son état et sa condition (1699).

Le frère et la sœur, seigneurs dépossédés de la Couture, y finirent leurs jours à deux mois d‘intervalle, 1703 et 1704. Leurs dépouilles n’eurent que la faveur du cimetière… (Le beau- père de Fust, le frère Louis, Mme de Lignières et sa pouponne Elisabeth avaient été enterrés dans l’église de Louâtre).

Marie Vilette se maria (1704), il n’est pas sûr que le porte-étendard put jouir de la Couture car il s’avéra que les deux défunts avaient laissé des « dettes considérables ».

Les créanciers s’acharnaient encore en 1716 contre les mineurs d’Osly, neveux et héritiers, et le manoir-ferme était toujours sous séquestre en 1718.

Sur la crête Nord qui domine les Vallées se trouve le bois de la motte, il est sans caractère spécial mais se replie sur un mystère qui se dévoilera peut-être à quelque archiviste, le hasard y aidant.

D’un acte de 1674 il s’infère qu’au-dessus de la Falaise, le château de la Motte était bien en place. Il semble avoir disparu en 1718, pourtant son souvenir était encore vivace en 1885, date à laquelle l’instituteur désignait ainsi son emplacement : « un fossé circulaire de 3 mètres de profondeur, entourant un espace d’environ 25 m de diamètre et donnant issue en deux endroits sur la pente abrupte de la colline est tout ce que l’on y remarque ».

Ferme de La Couture, La Falaise.

Nadon – L’ancien Prieuré

On ne sait pas quand Saint-Faron (ou Saint-Pharon) de Meaux s’installa vis- à-vis la fontaine de Nadon.

Cette fameuse abbaye dont rien ne subsiste avait été fondée vers 660 par le saint de ce nom qui devint évêque de sa cité. Les Bénédictins qui s’enorgueillissaient de la garde du prestigieux tombeau d’Ogier le Danois, détenaient divers biens dans notre région : à La Ferté-Milon, Parcy, Blanzy (prévôté St-Fiacre), Moulin-le-Comte et à Louâtre même.

A Nadon ils avaient une ferme et, c’est pour la commodité de leurs frères et de leurs domestiques qu’en 1145 ils obtinrent de Guy, abbé de Saint-Jean-des-Vignes, avec accord de l’évêque Joscelin, l’autorisation de bâtir une chapelle strictement domestique.

Nadon (autrefois Adon) présentait sans doute alors une certaine importance, un illustre baron y possédait un manoir avec grange (ferme). Il se nommait Pierre Tristan (La Loge a conservé son surnom) seigneur de Passy-en-Valois et d’Ostel, il avait sauvé la vie à Philippe Auguste à la journée de Bouvines et c’est peut-être par reconnaissance qu’il fut fait chambellan de son roi, puis de Louis VIII et en plus bailli d’Artois sous Saint Louis.

Un acte de 1223 règle sa vassalité directe avec le roi pour Passy et Adon et pour le bois qu’au même Adon il avait pris à cens en 1212 de l’abbaye Notre-Dame de Soissons.

Le petit-fils de Tristan, Pierre II de Château-Porcien, épousa Alix, héritière du comté de Nanteuil-le-Haudouin. Lui, traita à plusieurs reprises avec les religieux de Meaux au sujet de Nadon et du moulin qu’il y possédait 1265, 1268 ; il accorda aussi la bannerie de ce moulin aux habitants de Violaine en 1265 (ce petit moulin est encore signalé en 1520).

Nadon s’exhaussa alors au rang de prieuré et saint Nicolas fut son patron. Pierre II et sa femme en furent considérés comme fondateurs. Carlier n’a pas su interpréter la gravure de leur tombeau, sa naïve déduction lui a servi à propager une légende fantaisiste, celle d’un mari jaloux qui se repentit.

Les moines ici comme ailleurs désertèrent leurs fermes au XVe siècle. Dès 1547 Nadon fut affermé par baux à longues années. Il eut l’occasion d’héberger le noviciat des Blancs- Manteaux de Paris pendant l’épidémie de peste de 1619.

La chapelle du prieuré fut réédifiée par permission de l’évêque de Soissons en 1525 ; on la transporta sur un nouvel emplacement en 1667 et sa bénédiction se fit en 1672. Fort négligée au siècle suivant elle fut définitivement interdite avec tant d’autres par Mgr de Fitz-James.

L’abbaye de Saint-Faron avait encore tous droits de justice à Nadon, mais elle avait alors simplifié le souci de son temporel en abandonnant toute gestion à un fermier général. Quant aux censiers ils furent : Sébastien Bronquant 1649 – Claude Tingry 1669 – Simon Servas 1693 – Robert Prévost 1705, etc…

Le dernier bail fut de 1787 et son preneur Réméré connut en mai 1791 la mise en vente nationale. Les dépendances qui y étaient jointes consistaient en 48 ha 75 de terres labourables, 8 ha 70 de prés, 10 ha de bois et 5 ha de savarts. La municipalité de Louâtre avait soulevé des objections avant la vérification de ces contenances si bien que les enchères ne purent se faire qu’en mai 1792, sur estimation de 15 665 livres.

L’adjudication fut emportée au 11e feu par un Parisien qui demanda qu’on la mît au compte de V.-Ch. Masson, bourgeois de Paris.

Nadon a bien peu conservé de son passé historique. Dans son site charmant, ce n’est qu’une ferme très solitaire, à cour allongée et partout fermée, elle est une reconstruction totale du XVIIe siècle.

Prolongeant le logis bas et allant buter contre la porte cochère, est ce qui fut la chapelle de Saint-Nicolas, rebâtie sans joliesse en 1667. Elle ne se différencie du reste que par ses baies aux encadrements cintrés, deux hautes qui éclairaient l’autel et une porte basse s’ouvrant sur la cour. On l’avait plafonnée d’un lattis en carène plâtrée, ce berceau se voit toujours dans le grenier car l’oratoire, interdit par le grand aumônier de Louis XV, a été converti en étable.

La grande curiosité est la galerie utilitaire d’époque médiévale, elle capte une source dans le talus, conduit le torrent d’eau dans la cour, le reprend encore en souterrain pour le diriger vers le ru.

© DICTIONNAIRE HISTORIQUE DU DEPARTEMENT DE L’AISNE, par MELLEVILLE, 1865.

© Fédération des Sociétés d’histoire et d’archéologie de l’Aisne. Mémoires. Tome XIV, 1968

Ferme Le Nadon.
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