Le dénombrement présenté à François 1er par Saint-Jean- des-Vignes (Bibl. Soissons, Ms 6) donne pour 1520 les renseignements les plus étendus sur le domaine de Violaine.
L’abbaye y possédait plusieurs marchés de terre et en outre la cense (Redevance payée pour les terre, moulins, fours, etc). Celle-ci, avec ses bâtiments et jardins, était entourée de murs, la maison seigneuriale lui était attenante avec sa chapelle et son jardin aussi fermés de murs.
La cense, avec ses 23 pièces de terre, était tenue par David Pasque, elle rapportait 18 muids (Mesure pour les liqudes, pour les grains et pour plusieurs autres matières comme le sel, le charbon, le plâtre, la chaux, etc., de différentes grandeur selon les différents pays et la nature des marchandises à mesurer. Par exemple à Paris il contient 268 litres pour le vin, mais 1800 litres pour le blé, 2400 pour le sel et 3700 pour l’avoine) de grain aux religieux alors qu’avant les conflits elle en avait donné 30.
Dans la maison seigneuriale où l’abbaye hébergeait son prieur-curé, on faisait les plaids (Service de plaid : Obligation pour un vassal de participer à l’activité judiciaire de son suzerain) trois fois l’an et chaque habitant était tenu d’assister. Le principal droit seigneurial consistait en la réquisition d’une épaule («pour faire lard ») sur chaque pourceau qui se tuait à Violaine.
Les tenanciers de la ferme furent Ch. du Mars 1669 – Pierre Traboulet 1692 – Ch. Dumont 1702… et, par bail de 1785 Pierre Lepreux.
Au moment de la mise en vente par la nation, la ferme, bâtiments, cour et jardin couvraient une surface de 2 ha 47 clôturée, les terres 112 ha 13 et les bois 11 ha 12, le fermier jouissait en outre des dîmes, cens et rentes dus à la seigneurie. C‘est le même fermier qui avait charge de régler les émoluments du prieur : 12 essains de grain, 1 agneau et 1 cochon de lait.
Bien qu’accolé à la ferme, l’ensemble prieural n’en était pas moins distinct, il comprenait deux cours, l’une avec logis, chapelle, écurie et grange ; l’autre avec poulailler, étable et écurie, puis un jardin entouré de ses murs.
L’adjudication au District de la ferme se fit le 10 octobre 1792, les laboureurs avaient soumissionné d’avance et offert 49 318 livres, ils étaient Picot de Villers-Cotterêts, J. Petit de Villers-Hélon, R. Le Guéry de Louâtre et P. Lepreux de Violaine. Mais ils heurtèrent à un cotterézien, qui s’est fait un nom dans l’agiotage des biens nationaux : N.-C. Parisis.
Le Guéry et Parisis surenchérirent seuls de la 9e à la 22e bougie et le second l’emporta sur l’autre pour 112 000 livres.
La vente du prieuré ne put se faire que le 9 mars 194 à cause de l’occupation de l’ex-curé Adam, auquel on reconnut le droit d’enlever ses objets d’ameublement. Le mobilier de la chapelle lui aussi était réservé. Le bien, évalué 3 000 livres, fut disputé entre P. Lepreux et le notaire soissonnais Bedel, ce dernier se l’adjugea pour 17 100 livres à la 7e bougie.
Une brève référence du bail signé en 1577 signale qu’une partie des bâtiments de la ferme se trouvaient alors détruits par l’animosité des huguenots qui s’y étaient installés dix ans auparavant.
Les combats libérateurs de 1918 ont encore été funestes aux parties anciennes.
Au début de notre siècle, le logis du fermier passait pour celui que le prieur avait occupé. Près de lui, la façade de l’écurie recelait une grande baie mutilée, ogivale à deux lancettes et deux fenêtres cintrées de chaque côté, c’est ce qu’il restait de la chapelle. Le petit colombier près de l’entrée était dénomme « du prieur » par opposition à celui du fermier, carré lui aussi mais plus volumineux et placé dans la cour.
Ce que ne signale pas le consciencieux Dulimon est la grange ; elle fermait la cour à un de ses angles et ne le cédait en rien à ses soeurs remarquables de la région. Le peu qu’il reste d’un pignon et de deux contreforts XIVe siècle en apporte la preuve.
Le colombier du prieur, carré et haut de 6 mètres, date du XVIIe siècle, il n’est pas sans analogie avec celui d’un autre joanniste qui se dresse à l’ancien presbytère d’Arcy-Sainte- Restitue. La particularité qu’offre Violaine est celle d’un caveau sans accès qui est placé sous lui. S’agit-il1 d’un cachot comme celui de la ferme encore joanniste de Neuville-Saint-Jean, ou simplement d’une « muche » ou cachette prête pour temps d’effroi?
Toutes nos fermes d‘abbayes ont leur clos annexe muraillé, mais aucun sinon celui de Presles-les-Soissons n’atteignait le périmètre et la puissance de celui de Violaine. Muraille épaisse de 0,80, haute de 2,50 à 3 m où foisonne la grosse pierre de taille.
Particularité unique, c’est qu’ici, des petites meurtrières sont percées de trois en trois mètres et que, tous les gros parpaings et les boutisses sont marqués d’une croix profondément gravée.
Il se trouve que plusieurs autres clos de même nature ont leur parement extérieur marqué de quelques croix, je les considère comme signes de protection, mais ici, elles figurent également sur le parement intérieur, et en multitude. Leur présence se déclare intrigante car il est anormal de ne lire qu’une seule marque de tâcheron, que d’ailleurs l’usage de ces marques avait disparu ici avant le XVIe siècle, et que le mur doit appartenir à cette époque.
Ainsi donc, croix et meurtrières confèrent à la clôture un intérêt exceptionnel ; quant à l’enclos, il faut croire que l’abbé en voulut faire un refuge éventuel pour la population ; ses appréhensions rejoignaient celles de plusieurs paroisses d’entre Soissons et Compiègne, qui au XVIe siècle fortifièrent leurs cimetières.
© Fédération des Sociétés d’histoire et d’archéologie de l’Aisne. Mémoires. Tome XIV, 1968